"Le domaine public n’est pas un terrain de camping" - Corse - Jeudi 16 août 2018 - @CorseMatin

L’agence de tourisme de la Corse (ATC) a lancé, avec ses partenaires, une vaste campagne de sensibilisation. Objectif : inciter les touristes épris d’itinérance et de liberté à adopter des comportements vertueux dans l’île
Les bords de mer comme les sites remarquables sont très prisés par les touristes itinérants. Une envie de liberté qui équivaut à une infraction. On n’installe pas une table et des chaises à sa guise selon la loi. / DOCUMENTS CORSE-MATIN
La Corse dit non au camping sauvage !" C’est le slogan choc de la campagne de sensibilisation et d’information lancée par l’agence de tourisme de la Corse (ATC), afin de susciter les bons réflexes chez les adeptes du tourisme d’itinérance. Et c’est aussi le signe de la détermination sans faille, sur le sujet, affichée par Nanette Maupertuis, présidente de l’ATC.
Une fois de plus, l’élue "hausse le ton et en appelle au respect de la réglementation comme aux comportements responsables". En conséquence, les "camping-caristes sont priés de séjourner dans les emplacements autorisés", c’est-à-dire des aires de stationnement aménagées au sein des campings, ainsi que des aires de stationnement et d’accueil spécifiques.
Pour faire passer le message au plus grand nombre, durant ce mois d’août, l’ATC a misé sur la distribution de quatre mille dépliants, depuis, entre autres, les offices de tourismes, le port de Bastia - principale porte d’entrée dans l’île pour les camping-cars - et le réseau du Parc naturel régional de la Corse (PNRC).
L’opération a été également déclinée sur les réseaux sociaux. En ligne comme sur papier recyclé, l’ATC, avec ses partenaires de circonstance, la fédération régionale des offices de tourisme et syndicats d’initiative de Corse, la fédération corse de l’hôtellerie de plein air, Corsica Camping et le PNRC, a tenu à rappeler au plus grand nombre que "la Corse dispose d’un patrimoine environnemental exceptionnel bénéficiant de nombreuses protections : réserves naturelles, parcs, conservatoire du littoral, grands sites. La préservation de ces écosystèmes demande à chacun un comportement responsable."
Nanette Maupertuis, présidente de l’ATC : "Je ne désespère pas de voir le principe d’une écotaxe remboursable revenir sur le devant de la scène."

Cent cinquante campings

Dans le même temps, on dit aussi la loi et le code de l’urbanisme tels qu’ils sont. C’est un fait, "le domaine public n’est pas un camping". Dans ces conditions, les camping-caristes sont invités "à respecter la nature et à séjourner dans les emplacements autorisés". Au passage, ils sont informés qu’ils ont à leur disposition "cent cinquante terrains de camping autour et à l’intérieur de l’île". À l’ATC, on est bref, on est clair et on est pédagogue. À ce stade, l’orientation privilégiée est considérée comme une manière de faire avancer la solution au problème. Car, à l’échelon insulaire, il n’est pas rare que le tourisme itinérant soulève des critiques virulentes. Les effets concrets du phénomène sont bien connus. "Le camping-cariste suscite bien souvent une levée de boucliers, voire une réaction de rejet pure et simple de la part de la population locale et des professionnels du tourisme. Les maires, quant à eux, se trouvent désemparés devant l’ampleur du phénomène. Nous recevons à l’ATC leurs doléances à ce propos, en particulier lorsque les nuitées se déroulent sur des espaces sensibles voire protégés", constate la présidente de l’ATC. D’évidence, la situation est imputée "à un stationnement anarchique, à des conflits d’usage, aux difficultés de circulation générées", analyse-t-elle. À cela viennent s’ajouter "la pollution liée au déversement des eaux usées et celle plus visuelle caractérisée par la présence de tas d’ordures". Même si "au cœur de l’été, il est fréquent d’observer des camping-cars qui ont élu domicile sur des places de village, le long d’une route ou d’une plage", le scénario du pire s’exerce en particulier dans des portions bien précises de l’île, à l’image de "la zone Unesco formée par Piana, Scandola, Girolata, des zones Natura 2000, des deux parcs marins et bien sûr du PNRC dont la superficie équivaut aux 2/3 du territoire. Car, bien sûr, ce sont les plus beaux sites qui sont touchés. Les campings-caristes utilisent volontiers les réseaux sociaux afin d’échanger les meilleurs emplacements", observe Nanette Maupertuis. On met à mal l’environnement et, dans le même mouvement, on "s’affranchit de la taxe de séjour à la différence des autres touristes qui s’en acquittent", ajoute-t-elle. Ces données ont conduit l’ATC "à prendre la problématique à bras-le-corps".
Toutefois, il faudra sans doute aller plus loin que la sensibilisation des touristes épris de grands espaces et de liberté. Ainsi, Nanette Maupertuis "ne désespère pas de voir le principe d’une écotaxe remboursable* revenir sur le devant de la scène, soit grâce à une adaptation législative, soit par le truchement d’une proposition de loi fédérant les autres régions du littoral confrontées elles aussi à cette épineuse question". Elle se dit également prête à "accompagner les décideurs publics et les professionnels du tourisme qui souhaitent s’engager dans la création de nouvelles infrastructures d’accueil". D’autres défis à relever en perspective.
* En juillet 2017, le principe d’une écotaxe remboursable plafonnée à 350 euros a été voté par l’assemblée de Corse. Le 8 décembre 2017, l’Assemblée nationale a rejeté la mesure qui entre-temps était devenue un amendement à la loi de finance rectificative.

Dans l’intérieur et en montagne aussi

Dans l’intérieur de l’île, il n’est pas rare que les camping-caristes s’installent "à la sauvage" sur un délaissé de route.
En parcourant la Corse, la tentation du camping sauvage se manifeste le long du littoral mais aussi dans l’intérieur de l’île. Jacques Costa, président du Parc naturel régional de la Corse, maire de Moltifao, dresse un constat préoccupant à cet égard. "Sur le GR20 et ailleurs sur des espaces protégés, nous rencontrons ce genre problème, malgré les arrêtés qui sont pris. Les gens ont vite fait de s’écarter du circuit et de s’installer pour dormir à la belle étoile", assure-t-il. Une tendance qui, tandis que les campeurs allument un feu de camp, porte, en plus, le risque incendie, en particulier, à un niveau élevé.
Cette réalité a conduit le président du PNRC à positionner sur le territoire du parc et en particulier tout autour des lacs d’altitude "des agents de surveillance. Ils restent toute la journée sur le site . À partir de 19 heures, tous les randonneurs sont invités à quitter les lieux", explique-t-il. D’autant que les bonnes conditions d’accueil sont assurées en contrebas. "La vallée d’Asco compte trois campings avec en plus des aires aménagées pour les camping-cars", souligne Jacques Costa. La méthode a toutefois ses limites. "Nos agents ne sont pas en mesure de verbaliser pour l’heure, même si leur présence a un effet dissuasif", admet le président.
Sur ce point, une évolution majeure pourrait marquer l’avenir proche. Depuis le Parc, on réfléchit, en effet, à la mise en place de formations afin de faire assermenter les personnels. Du côté du réseau routier dans l’intérieur, il faut aussi compter avec certains camping-caristes qui préfèrent aux campings, les délaissés de route, les petites pistes de la vallée, les chemins forestiers et les cols avec vue panoramique assurée. Tant pis si les eaux usées terminent dans un fossé. La nouvelle charte du PNRC, qui entrera en vigueur d’ici quelques jours, exclut toutes ces pratiques qui "impactent les sites d’intérêt patrimonial. Nous ne pouvons pas continuer comme ça", insiste Jacques Costa, tout en regrettant que la délibération de l’Assemblée de Corse concernant l’écotaxe n’ait pas été prise en considération par l’Assemblée nationale.

23 % des camping-cars dans la nature

28 000 camping-cars ont débarqué dans l’île en 2015, selon l’observatoire des transports. 65 % d’entre eux sont arrivés par Bastia, depuis Toulon et Nice. Pour 2/3 des camping-caristes, la virée corse intervient entre juin et septembre.
L’équivalent de deux mille véhicules présents chaque jour, en moyenne, sur le territoire. Lors de cette même année, le pic estival est atteint le 11 août avec 3 350 camping-cars recensés ce jour-là. La pratique touristique évolue de manière constante à la hausse. Lors des neuf premiers mois de 2016, la fréquentation a augmenté de 12,4 %.
Le séjour insulaire du camping-cariste dure, en règle générale, 13,2 jours, ce qui représente un million de nuitées et 3 % du total des nuitées touristiques dans l’île. 23 % des camping-cars, c’est-à-dire 6 640 véhicules stationneraient dans la nature, quitte à enfreindre la loi en vigueur.
Le camping est, en effet, proscrit sur l’emprise des routes et voies publiques, ainsi que sur les rivages et dans les sites inscrits et classés. On ne dresse pas sa tente, on ne sort pas sa table et ses chaises non plus, dans les secteurs sauvegardés, dans le champ de visibilité des édifices classés, des parcs et jardins classés ou inscrits ainsi que dans des aires de mises en valeur de l’architecture et du patrimoine. Interdiction formelle de camper aussi dans un rayon de 200 mètres autour des points d’eau captés pour la consommation.
VÉRONIQUE EMMANUELLI

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