Transports : une reprise envisagée mi-juillet ? @CorseMatin

Les professionnels du secteur dans les domaines aérien et maritime ont une visibilité quasi nulle sur ce que sera leur activité dans les semaines à venir. Elle conditionne pourtant une large part de l’avenir économique de l’île
Quand reprendront les trafics aérien et maritime ? Parce que répondre à cette question, c’est connaître l’avenir économique d’une île sous perfusion des flux touristiques, elle est posée avec angoisse par les professionnels du secteur et les nombreuses familles dépendantes d’un tourisme qui pèse près de 35 % du PIB local. Mais en ces temps où l’on commence à parler décon-finement, elle se heurte à une autre question, sanitaire celle-là. Alors qu’aucune assurance n’est venue rassurer la population sur les fournitures en masques et tests sérologiques, comment reprendre les liaisons sans risquer une deuxième flambée favorisée par les échanges ?
Le Premier ministre a déconseillé de réserver des destinations étrangères pour cet été, encourageant, sans le dire vraiment, de consommer français pour les prochaines vacances. Or, jusqu’à preuve du contraire, avions et bateaux sont indispensables pour se rendre en Corse. Depuis des semaines désormais, ces derniers assurent le service minimum en termes de transport de passagers, dans un cadre très contraint. Le retour à la normale ? « Il n’est pas attendu avant des mois. » L’affirmation de Luc Bereni, président du directoire d’Air Corsica, n’est pas nouvelle. Mais à deux mois du cœur de la saison, elle vient rappeler que décidément, « nous serons très loin de ce que nous pouvions espérer ». Les propos d’Édouard Philippe ne rassurent pas le patron de la compagnie aérienne. Même si l’activité venait à repartir, une autre incertitude économique demeure avec « un pouvoir d’achat des Français forcément réduit ». Pourtant, une période revient régulièrement dans les échanges avec les professionnels des transports pour un réel début de reprise : mi-juillet.
En plein brouillard, les ports et aéroports de l’île pourront-ils accueillir des passagers cet été ? Les compagnies et l’office des transports affirment qu’ils se tiennent prêts, si les conditions sanitaires le permettent. ARCHIVES MICHEL LUCCIONI

Des avions à « un tiers » de leur capacité

Si Luc Bereni souligne qu’il ne s’agit que de « suppositions concernant la propagation réelle du virus », il semble, du moins pour l’aérien, que cette échéance est considérée comme un repère pour la CdC dans le brouillard ambiant. « Au moins jusqu’à la fin juin, les conditions de voyage telles que nous les connaissons demeureront très contraintes,affirme la présidente de l’office des transports, Vanina Borromei. Si la situation sanitaire le permet à la mi-juillet, nous avons envisagé de pouvoir augmenter le nombre de rotations mais avec moins de passagers dans chaque avion afin de respecter les distances de sécurité. Une chose est certaine, nous serons de toute façon très loin des 130 à 180 passagers par avion habituellement. » Selon elle, « les avions ne pourront pas excéder un tiers de leur capacité ».
À la direction de la compagnie aérienne comme à la CdC, on revendique « une grande flexibilité » en prévision d’informations qui manquent cruellement. « Nous avons trop d’inconnus pour l’heure, regrette Luc Bereni, notre postulat est celui de la prudence. Mais Air Corsica a prouvé qu’elle avait une réactivité très forte. Nous sommes prêts à nous adapter. » Dans l’attente d’informations qui peuvent faire évoluer très rapidement la situation, le directeur affirme avoir « scénarisé » l’été, tout en étant « très sceptique pour mai et juin ». La compagnie pourra-telle tenir ? La réponse fuse : « Air Corsica est entrée dans cette crise avec une situation saine et un bon niveau de trésorerie. Contrairement à ce que l’on peut entendre ailleurs, même si cette crise nous abîme, nous sommes très loin d’un risque de dépôt de bilan. »

« Cordon sanitaire »

Le fait de voler très peu fait baisser les recettes « mais entraîne également des économies ». Des chiffres ? Luc Bereni préfère « ne pas les communiquer avant de les avoir présentés aux actionnaires, au conseil de surveillance, puisque le CSE n’a pas pu se réunir ». Il évoque tout de même des pertes se chiffrant en « dizaines de millions d’euros ». Pertes que l’on limite dans le milieu en laissant certains avions au sol plutôt qu’en les faisant voler quasiment vides. « Rien ne coûte plus cher qu’un avion très peu rempli qui vole si les recettes sont très faibles », ajoute Luc Bereni.
Côté mer, on navigue plus que jamais à vue. « La vérité, c’est que nous ne savons rien de ce que sera la saison, insiste Pierre-Antoine Villanova, directeur général de la Corsica Linea. L’important est de se concentrer sur le cordon sanitaire, j’insiste sur ce terme, qu’il faut conserver autour de la Corse. » Une chose est sûre pour le patron des bateaux rouge et blanc, « il faudra que toutes les conditions sanitaires soient réunies pour qu’une activité économique puisse reprendre ». Les pertes, là aussi, se chiffrent en « plusieurs dizaines de millions d’euros », avec une baisse d’activité de « 85 % ». La moitié de cette activité se concentre sur l’Afrique du nord, paralysée après la fermeture de l’espace Shengen. En termes de passagers, la Corsica Linea ne détient que 15 % de part de marché sur la Corse et sera donc moins impactée sur ce secteur précisément que les concurrents de la Corsica Ferries.

« Il vaut mieux une échéance plus lointaine. La santé doit primer »

Les bateaux jaunes de Pierre Mattei pèsent 75 % du flux de passagers. La mi-juillet pour le début d’une reprise ? « Nous n’avons aucun élément à l’heure actuelle pour le penser,rétorque le directeur général. Nous sommes prêts à entamer une reprise progressive dès le 11 mai mais nous n’en savons pas plus, nous avons besoin d’informations. » Plutôt que de parler chiffres, il préfère penser à « la santé de tous, des salariés aux passagers, à la situation des professionnels qui ne peuvent pas travailler et qui se trouvent en grande difficulté. Parfois, il vaut mieux une échéance plus lointaine afin d’avoir plus d’assurance sur le volet sanitaire. C’est la santé qui doit primer. »
Si tout le monde souligne « l’année catastrophique » qui s’annonce, personne n’ose penser à une saison blanche. « La programmation d’Air Corsica pour l’été est maintenue, pour l’heure. Ceux qui souhaitent réserver peuvent le faire », souligne Vanina Borromei. Mais les conditions de sécurité que chaque compagnie s’imposera feront de toute façon « une saison très critique », ajoutet-elle.
En l’absence de moyens de protection des populations pour éviter une rechute dévastatrice dans les hôpitaux, notamment celui d’Aiacciu, repousser les arrivées ne serait-elle pas la solution ? « Il faudra une activité minimum, plaide la présidente de l’office des transports, mais nous devons prendre toutes les précautions possibles puisque la solution passe par les masques et les tests massifs. Ce qui est perdu n’est plus rattrapable mais nous pouvons encore décaler la saison sur deux mois, entre août et septembre, notamment avec le tourisme européen. Sans compter qu’il faudra tenter d’innover en travaillant sur une saison d’hiver. »
Avec comme unique ambition de limiter la casse.

LE CHIFFRE

70 C’est le pourcentage de touristes qui viennent en Corse issus de la métropole. Un chiffre qui prouve l’extrême dépendance de l’île à la conjoncture socio-économique française.

« Air Corsica s’est imposée des règles »

Si Luc Bereni a refusé de commenter les images d’un avion d’Air France bondé entre Paris et Marseille, mettant en cause un partenaire de la compagnie corse, Vanina Borromei a rappelé qu’« en l’absence de toute consigne nationale, Air Corsica s’était imposée elle-même, avec l’office des transports, de ne pas dépasser le tiers de la capacité de ses avions pour assurer un maximum de sécurité à ses passagers ». Cela suffira-t-il ? Jeudi, interrogé par la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le Covid-19, le directeur de la santé, Jérôme Salomon, a assuré qu’il s’agira « d’éviter les transports interrégionaux et les échanges de population entre des zones massivement touchées et des zones peu touchées, ou c’est comme ça que l’on va réactiver la circulation du virus », a rapporté l’AFP. Concernant les mesures concrètes, il a réaffirmé l’objectif de « pouvoir effectuer 700 000 tests par semaine à partir du 11 mai ». L’utilisation obligatoire des masques dans les transports en commun n’a pas encore été décidée.
GHJILORMU PADOVANI

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